La chronique littéraire pour les nuls

Dans un souci constant de m'améliorer (ça fait sérieux n'est-ce-pas ?), j'ai passé une partie de mon week-end à surfer sur des sites ou des forums donnant des conseils sur l’écriture des chroniques littéraires.

J'en suis ressortie un peu démoralisée dans un premier temps, ayant l'impression d'être loin du compte avec mes ersatz de critiques.
Je vais tenter de vous faire une synthèse de "comment écrire une critique parfaite" en fonction de ce que j'ai pu trouver. 

En préambule, j'ai appris à quoi sert une chronique, et je suis déjà en décalage :

"Pourquoi faire une critique ?
La toute première question peut sembler étrange, et pourtant, pourquoi donc fait-on des critiques? Certains diraient "par altruisme, pour montrer qu'on a lu, etc... Dans ce cas, ce guide n'est pas pour vous, car il suffit alors de dire si l'on a aimé ou pas, et de s'arrêter là. Non. je pense qu'une véritable critique est faite avant tout pour permettre à celui qui la fait de découvrir les techniques utilisées par l'auteur qu'il a lu, et d'apprendre par là des méthodes qu'il pourra réutiliser. Sinon, c'est aussi un outil nécessaire pour comprendre les fautes d'un auteur et lui permettre de les corriger, et bien plus encore lorsque cet auteur s'avère être soi-même. Ainsi, critiquer et apprendre à critiquer permet d'apprendre avant tout à s'auto-critiquer, ce qui ne peut que rendre nos textes meilleurs. À partir de là, il y a une autre foule de raisons possibles, mais d'ordre bien plus individuel."(1)

Mais rentrons dans le vif du sujet...
Pour commencer, tous les sites sont d'accord sur le fait qu'il faut avoir lu le livre. Ça paraît stupide de le mentionner, mais faites-moi confiance, ce rappel n'est pas vain...
Il est ensuite recommandé de se renseigner sur l'auteur, son parcours, et de lire 2-3 biographies. Aïe, là ça se complique, quand on parle de Balzac ou Fitzgerald, oui, mais Eli Esseriam ou Madeleine Roux, c'est moins facile...
Bien, à ce stade vous vous êtes familiarisés avec l'auteur, vous allez pouvoir resituer son œuvre dans son contexte. Notez au passage que vous avez aussi enrichi votre culture personnelle, elle est pas belle la vie ?

Tout le monde semble s'accorder sur le fait qu'une bonne chronique comporte à minima un titre, un rapide résumé du livre, et un jugement argumenté. Ce dernier doit être distancié, c'est à dire suffisamment impersonnel pour qu'il parle à chacun et ne soit pas trop marqué de votre empreinte. On en revient au fameux "je" qu'il faut bannir, dans la mesure du possible. Pour votre argumentation, utilisez les techniques d'éloge et de blâme (pour ceux qui, comme moi, ne savent pas ce que c'est, il s'agit tout simplement du vocabulaire positif ou péjoratif. Mais il faut reconnaître que le terme en jette...). Les exemples, citations sont conseillées pour étayer le propos.

Bien, jusque là, ça semblait plus ou moins à ma portée. Jusqu'à ce qu'on passe au deuxième effet Kiss Cool, l'analyse. Il ne faut pas se contenter de donner un avis, mais il convient d'aller plus loin, de voir ce qui se cache sous les mots, le message que l'auteur a voulu faire passer à ses lecteurs les plus attentifs.
Concrètement, voyons ce que ça donne si je reprends ma chronique de Ailes de feu.
En schématisant, on a un ange déchu, et une reine assoiffée de pouvoir. En passant en "mode analyse", ne peut-on pas imaginer que l'ange qui, malgré son implication et sa rigueur, finit par déchoir au contact des humains n'est que la symbolique de l'influence négative de l'homme sur toute chose qu'il pervertit, même la pureté que représente l'ange ? La reine, dans ce cas, nous conforte dans cette idée, car malgré son éducation par un ange, sa nature profonde la rattrape et lui fait commettre les pires actions. Laura Gallego Garcia n'essaie-t-elle pas de nous mettre en garde sur le danger que l'humanité représente pour elle-même et pour les autres, qu'il n'y a pas d'issue, pas de rédemption possible ? En outre, la symbolique religieuse est aussi intéressante puisque Dieu lui-même n'intervient pas pour aider son envoyé ailé, preuve du désintérêt qu'il porte à ses créatures, ou bien peut-être peut-on en déduire qu'il n'existe pas...
Si vous avez été au bout, félicitations, je me suis auto-saoulée à écrire ceci, sans doute ce qui me distingue des vrais chroniqueurs...

Pour terminer, bien entendu une petite conclusion, bizarrement je n'ai pas vraiment trouvé de conseils pour conclure une chronique...

Alors, je résume, pour une bonne chronique, il faut :
- Lire le livre
- Partir dans l'idée que la chronique a pour but l'enrichissement culturel du lecteur comme de l'auteur
- Se documenter sur l'auteur pour mieux appréhender l’œuvre
- Ne pas se contenter de ce qu'on lit, il faut chercher ce qui se cache derrière
- Argumenter et illustrer son avis
- Éviter la personnalisation.

Vous aurez noté que je ne réponds pas forcément au cahier des charges, puisque j'écris pour le plaisir de partager mes lectures, je ne m'intéresse que de loin à l'auteur, je me concentre sur l'histoire et non sur le message subliminal au deuxième ou troisième degré, et que, et j'étais au moins consciente de ce défaut, j'ai tendance à user et abuser du "je".

J'en étais là, prête à rendre mon tablier et brûler mes bibliothèques quand je suis tombée sur ceci :
"La règle principale, c’est vraiment d’être soi-même, d’essayer réellement de voir ce que soi-même on a ressenti, ce que soi-même on a analysé, ce que soi-même on a pensé. Il ne faut pas essayer d’écrire ce qu’il faut écrire. Une bonne critique, c’est un regard singulier. De toutes façons, ce n’est pas des mathématiques, ce n’est pas de la physique, c’est de la littérature. Comme le cinéma et la musique, c’est extrêmement subjectif. Il n’y a pas un avis." (2)

Voilà, alors pour moi aussi, une critique c'est avant tout rester soi-même. C'est pour ça que je continuerai à chroniquer comme je le fais (en essayant malgré tout de faire mieux au fil du temps), avec peut-être trop de personnalisation et pas assez d'analyse, mais en restant fidèle à ce que je suis, c'est à dire une lectrice passionnée, et non une pseudo-intellectuelle détenant la vérité universelle sur la littérature.

(1) http://www.warhammer-forum.com/index.php?showtopic=52825
(2) http://www.actusf.com/spip/article-11215.html

Commentaires

  1. Pour un site qui se veut pro, il est normal de faire des efforts pour évoquer un livre.

    Mais pour les gens comme nous, humble chroniqueur de nos lectures du soir, je pense que le ressentie personnel est important. Je pense pas que "modérer" nos paroles pour départager le bon du mauvais soit suffisant.
    Je sais que je manque peut-être d'objectivité sur mes critiques, mais je pense que c'est aussi ce que veule savoir les gens.

    :) moi j'aime bien comment tu critiques. Après, la construction de critique se fait avec le temps, à force de lecture.

    RépondreSupprimer
  2. Alors tu vois, je vais te donner mon petit avis à ce sujet...
    Oui, "je" parce que personnaliser n'est pas une honte ou un manque de modestie, c'est s'impliquer.
    Un lecteur qui s'implique dans sa critique (ou sa chronique, car l'une et l'autre ne sont pas forcément de même nature) c'est un lecteur passionné, sincère et spontané, ce qui est une bonne chose, du moins de mon point de vue.
    Quand je lis un de tes billets, c'est parce que c'est ton avis que je veux, pas celui de Machin, Truc ou Chose. Et même si j'arrivais par hasard sur ton blog sans te connaître, ça ne me gênerait pas outre mesure de voir que tu t'impliques.
    Puisque, paraît-il, faut connaître l'auteur pour remettre l'écrit dans son contexte, faut connaître le blogueur pour remettre son avis dans son propre contexte. N'en déplaise à certains, un blogueur est un auteur, même si je pense qu'il ne faut pas non plus se prendre trop au sérieux.
    Après, je connais de très respectables professeurs de littérature, des gens qui savent bien qu'une vie ne suffit pas forcément pour analyser un seul texte s'il est de qualité, qui te diraient que le contexte peut être aussi utile qu'aliénant.
    Les auteurs disparaissent, les écrits demeurent et tout bon auteur sait qu'en faisant lire ses textes ils existeront par eux-mêmes et seront perçus différemment par chaque lecteur.
    Ce qui fait qu'on apprécie ou non les billets de quelqu'un et qu'on finit par se fier à ses avis, par savoir si ses conseils de lecture vont nous parler ou non, c'est sa personnalité. Donc, il vaut mieux qu'elle transparaisse. Et puis, faut le dire, c'est plus vivant comme ça, plus convivial.
    Après, pour ce qui est de l'analyse de texte... Sincèrement je pense que c'est une erreur de croire, d'une part qu'elle est nécessaire et utile car chacun comprend ledit texte comme il le veut, d'autre part que c'est faisable. Une analyse de texte, a fortiri celle d'un roman, ne se fait pas en une page. Un avis, un ressenti, par contre, est utile au lecteur potentiel. Et s'il a de la chance il sera assez intelligent pour faire travailler son cerveau comme un grand et interpréter tout seul ce qu'il lit.
    Sincèrement, pour en avoir écrit de nombreuses, je peux te dire que l'analyse de texte n'a un intérêt que pour celui qui l'écrit et encore, s'il s'amuse en le faisant...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh, j'oubliais un détail... Évidemment, il est nécessaire d'argumenter une critique, mais un peu difficile de le faire sans spoiler...
      On en revient donc au but de ladite critique, partager son avis et aider un potentiel lecteur à se décider ou joyeusement décortiquer tout le texte...

      Supprimer
  3. Ah les fameux messages subliminaux, une belle connerie, seuls les auteurs peuvent le dire car ils sont, au final, les seuls à savoir ce qu'il en est réellement.

    En tout cas, si tu suis leurs conseils, je ne te lirai plus car tu deviendras chiante comme la morte (comme une grande majorité des critiques littéraires) alors reste toi-même et continue comme tu le fais si bien!

    RépondreSupprimer
  4. Référencement éclairé que celui de ces " fameux" conseils visant à améliorer les rédactions de critiques littéraires. Suivre ceux-ci à la lettre donnerait ainsi au pauvre chroniqueur toutes les chances de délivrer une chronique rébarbative au possible. Pour lui comme pour les autres. On retiendra notamment la suggestion visant à décrypter le sens caché des mots, la mise en avant des messages subliminaux qu'un auteur souhaite transmettre… autant mâcher la compréhension d'un ouvrage aux personnes qui seraient susceptibles de le lire. Quand à l'utilité d'une pareille démarche, ça… Le chroniqueur devrait-il partir du constat que tout autre lecteur que lui sera incapable de saisir la substance littéraire d'un livre, au point de donner la signification du texte à la béquée ?

    Se perfectionner part toujours d'une bonne intention, mais encore faut-il que les conseils prodigués en la matière soient applicables pour le commun des mortels. Toujours dans l'optique d'un échange harmonieux et constructif entre un rédacteurs et ses lecteurs.

    Chani, tes critiques figurent parmi les plus conviviales à lire sur le web. Les plus spontanées aussi, grâce à leur second degré (une marque de fabrique inimitable) Elles donnent bien souvent envie de découvrir - ou d'éviter - une oeuvre mise en lumière. Que des conseils pour s'améliorer en chroniques puissent te donner, ne serais-ce que quelques instants, l'envie de raccrocher la plume (ou le clavier) est un comble...

    Un point fait sourire tout particulièrement parmi la liste des éléments indispensables à une bonne chronique : lire une histoire avant de s'atteler à exprimer son avis dessus peut, effectivement, contribuer à la rendre un minimum sérieuse... Tout comme éviter de puiser sans vergogne l'inspiration chez les voisins, ça aide aussi ^^

    RépondreSupprimer
  5. Amen mon frère ^^

    @Xian : Oui, je parlais de nos chroniques à nous, bloggers et bloggeuses, pas des pros ;)

    @Strega : Si seulement je pouvais atteindre un quart de la qualité de tes chroniques je ferais un triple salto arrière tu sais ;)

    @Lilie : Rester moi-même ? Je suis chiante comme la mort en vrai ^^

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le jour où j'arriverai, comme toi, à faire ressortir l'essentiel dans mes chroniques tout en restant agréable à lire et à partager aussi bien ce qu'un roman m'a fait ressentir, je ne ferai pas de salto, même simple, parce que je ne suis pas suicidaire, mais quand même je serai super contente.

      Supprimer
  6. T'es chiante comme la mort ? Y'a des baffes qui se perdent quand je lis ce genre d'âneries...:o)

    RépondreSupprimer
  7. Ah, je suis bien d'accord avec toi!
    Et puis, pourquoi une chronique devrait-elle être construite comme ci plutôt que comme ça? En lisant ton article, je me croyais revenue au lycée : leçon de dissertation / argumentation (beuaaah). Pour les critiques professionnels, je dis pas, mais franchement quand on tient un blog amateur, je vois pas en quoi une chronique doit forcément suivre un schéma. Je trouve ça bien plus sympa une chronique très personnelle qui parle de ressenti qu'un truc ultrachiant qui décortique chaque page pendant trois plombes pour au final nous pondre une psychanalyse complète de l'auteur et de la société.
    Vive les chroniques qui viennent des tripes!

    RépondreSupprimer
  8. @Strega : Han c'est vrai que le triple salto c'est peut-être pas une bonne idée...

    @Lilie : Rhhaaaaa voui frappe moi ^^

    @Suny : J'adore ton slogan !

    RépondreSupprimer
  9. Tu as été une vilaine fille ? (mon dieu mais qu'est-ce que tu me fais dire ?!)

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire